En 1946 dans le village de Salva, à côté de Nasaud, Virginia
Linul était une enfant quand se déroulèrent les élections. Son oncle était un
membre actif du Parti du Paysan qui gagna largement contre le parti communiste.
On lui demanda cependant de signer un procès verbal inversant les résultats de
l’élection. Dès lors, il devint un ennemi du régime que la Securitate devait
éliminer. Ses enfants furent renvoyés de l’école.
Sa famille se mobilisa pour le protéger durant les dix-huit
années qui suivirent. Il se cacha dans la forêt. Virginia marchait sur les
feuilles quand elle le ravitaillait, pour ne pas laisser de traces. En effet la Securitate ne relâchait
pas sa vigilance pour traquer ceux qui s’opposaient au régime communiste. Ceux
qui étaient capturés ne revenaient jamais de la tristement célèbre prison de
Gherla. Son cousin s’est caché durant trois semaines avec lui. Mais sa famille
a eu peur et lui a conseillé de se rendre, espérant ainsi la clémence des
autorités. Ils ne l’ont jamais revu.
L’oncle ne restait pas tout le temps dans la forêt. Il
allait aussi travailler dans les champs. Il se déguisait alors en femme pour ne
pas être reconnu. Il portait plusieurs jupes qui, bien réparties au niveau des fesses, donnaient
l’illusion d’une silhouette de femme. Lorsqu’il sortait ainsi de la forêt pour
venir travailler, l’oncle se cachait dans les maisons un peu à l’écart du
village. Comme la police fouillait les sacs des enfants qui quittaient le
village, ils justifiaient la nourriture qu’ils transportaient comme le ravitaillement
pour leurs pères qui, à cette saison, vivaient dans les pâturages plus haut dans
la montagne. La nourriture était emballée dans du papier journal et l’oncle
pouvait ainsi suivre les nouvelles et lire des documents. Ainsi c’est lui qui
annonçait inlassablement le retour de la liberté et leur demandait de ne pas
s’inquiéter.
L’oncle mourut en 1974, bien avant la chute du régime. Il
avait demandé à sa famille de l’enterrer au pied d’un gros arbre de manière à
se rappeler l’endroit sans prendre le risque de la publicité du cimetière.
Jusqu’en 1996 une croix indiquait sa sépulture.
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