Longue jupe à fleurs
et tablier à carreaux, cheveux noirs remontés à l’arrière de la tête en un
chignon sommaire, elle tient un bouquet de lavande dans sa main gauche alors qu’elle
parle tranquillement dans son téléphone portable. Entre ses jambes, un grand
panier d’osier où sont disposées quelques gerbes de lavande, des cônes de
papier journal prêts à accueillir les petites graines odorantes en vrac, un gobelet
en carton pour les servir, un morceau de covrigi pour le petit creux de 11h.
Le distributeur de billets où je me trouve est inondé d’une
odeur de lavande. C’est pour ça que je la remarque. Comme des centaines d’autres
femmes dans Bucarest, pas vraiment vieille, pas vraiment belle malgré ses yeux
clairs, ni vraiment moche malgré quelques poils au menton et un gros grain de
beauté à côté du nez, elle vend à la sauvette sa petite production. Elle
retournera dans sa masure quand elle aura tout vendu ou rangera prestement sa
marchandise au passage de la police.
Je lui achète quelques bouquets. Elle m’en donne deux fois
la quantité pour le même prix. Je le lui rends et préfère la pendre en photo.
Même si celle-ci ne rend pas honneur à la poésie de cette odeur de lavande sous
le soleil des rues de Bucarest.
Quelques mètres plus loin, une femme sans dents avec deux
gros chiens et une robe à fleurs colorée regarde mon 6D avec envie. "Prends-moi
en photo avec mes enfants !" me demande-t-elle. Le vendeur de journaux nous
regarde et sourit avec bienveillance. J’imagine qu’il connaît cette femme qui
doit souvent se promener dans le quartier avec ses "enfants". Un des deux chiens
est parti avant que je ne prenne la photo. La femme s’est accroupie auprès de
son chouchou pour une photo complice avec l’être qui lui est le plus cher au
monde. Elle rayonne.
Une jeune femme filiforme, pantalon cigarette sur talons hauts, chemisier vaporeux et longues boucles souples traverse avec indifférence le passage piéton à côté. C'est Bucarest.
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