mercredi 30 novembre 2011

Papa bun

J'ai mis un clafouti à cuire.

Quand elle rentre du parc avec Elena, Hortense voit le gâteau dans le four. Elle va immédiatement prendre une petite cuillère. "Goûter ! Goûter !"
Elle me montre son bavoir. La voilà bien équipée qui monte la garde devant la cuisinière.

"Là papa bun !"
Papa bun en roumain c'est pour dire que la nourriture est bonne. Un joli mélange de français et de roumain pour dire que c'est là que ça se passe quand on aime bien manger !

mardi 29 novembre 2011

Entre le cuir et le rêve

Un show-room ? Certainement. Un musée ? Un peu. Un cabinet de curiosité ? Dans l’esprit.

Nous sommes chez Dan Coma.

Nous poussons la porte et déjà nous entrons dans un autre monde. Un petit chien blanc nous accueille dans la bonne humeur. Sur le mur, des objets traditionnels roumains. Passé l’entrée, des robes de soirée à l’élégance extravagante nous font miroiter un univers onirique plein de fantaisie. Dans la salle principale une grande table centrale invite à faire le tour de la pièce. Sacs et chaussures aux formes et couleurs variées attendent sagement de prendre vie avec les clientes de ce célèbre maroquinier bucarestois.

Gros canapés, chauffeuses et fauteuils au charme ancien appellent à s’installer pour essayer des chaussures de cendrillon ou des bottes en brocard à talons vertigineux. Ouvrez le tiroir de la vieille commode et vous trouverez une collection de ballerines de toutes les couleurs. Cette petite paire noire et rose, douce comme une soirée en amoureux, m’a beaucoup plu.

Dans l’escalier, des robes de mariée. Là de petites tables bottées de bronze. Et partout une collection de poupées Jumeau. Car elles sont habillées et chaussées à la mode de leur époque, dans un travail soigné avec des matériaux de qualité. Dan Coma y trouve une source d’inspiration incroyable. Cet endroit respire la quiétude, baigné d’une douce lumière automnale, comme suspendu dans le temps. Et déjà on se verrait bien avec ce sac en cuir vert foncé dont l’intérieur en fourrure rouge nous attire comme un aimant. Ou ce noir plus sobre avec ses anses camel, so chic. Ou l’extravagant du brillant, le tout-fourrure pour l’hiver, la petite pochette colorée… Voir, toucher, rêver.

Les premiers groupes sont remontés des ateliers en sous-sol. C’est notre tour. Nous ne sommes que quatre. Comme une visite privée. De vieilles photos de Bucarest. « Regardez comme les femmes étaient bien habillées ! » Un uniforme de majordome du Roi Michel. De vieux casques. C’est une plongée dans l’histoire de la Roumanie qui nous mène jusque dans cette pièce où les cuirs de vache, d’autruche, de serpent ou de crocodile sortent leurs couleurs de tous les coins.

Pour moi la pièce maîtresse est cette presse du XIXe siècle qui sert toujours à sculpter des dessins en relief dans le cuir. La plaque de métal est gravée. C’est elle qui imprimera son motif au cuir, coincée dans les mâchoires de la presse aujourd’hui chauffée à l’électricité. Avant elle fonctionnait avec un système de vapeur. Quatre tonnes de pression. Un travail magnifique.

L’incroyable douceur du chinchilla. La souplesse de cette peau de serpent entièrement découpée puis recousue sur du tissu pour recréer le mouvement d’un serpent. Les picots laissés par les plumes de l’autruche. Et ma main qui toujours se promène. L’odeur chaude du cuir. Les piles de semelles. Le bruit de la machine à coudre dans la pièce voisine. Mes sens sont en éveil.

Dan Coma est un artiste.
Il a commencé en travaillant pour le théâtre. Et puis un jour, à Lyon, il tirait un bout de passementerie pour le regarder. A l’autre bout un homme tirait aussi. Ils se sont présentés. L’homme est venu le voir à Bucarest. Avec lui Dan a eu sa première commande à l’étranger. Une pièce en costume du XVIIIe siècle au Théâtre du Capitole à Toulouse.

Il a fallu partir. Mais j’y retournerai la semaine prochaine. Bien obligée ! J’avais oublié de remettre la carte SD dans mon appareil photo…

mercredi 23 novembre 2011

Des éprouvettes à la verrerie d'art

Adrian System réalise traditionnellement de la verrerie en Pyrex pour les laboratoires. Eprouvettes, fioles ou bécher naissent sous les mains agiles d'ouvriers qualifiés. Mais la Chine et sa main d’œuvre bon marché a changé la donne. Les propriétaires se sont donc lacés dans la verrerie d'art... en Pyrex. Bon, il y a beaucoup de kitch mais aussi de belles trouvailles : décorations de Noël, salières et poivrières design, petites carafes de alambiquées ou des flacons pour l'huile et le vinaigre comme des bulles de savons. Car en plus de leurs propres idées, Adrian System travaille aujourd'hui avec de jeunes designers, notamment français, qui profitent des qualités du Pyrex pour créer des objets au design futuriste mais à la solidité éprouvée. Quand en plus c'est beau, on en redemande !

Le bonne idée ? On peut devenir soi-même une graine de styliste en faisant réaliser par Adrian System l'objet de ses rêves pour un prix léger comme du verre Pyrex !

lundi 21 novembre 2011

Hortense dans l'atelier

Conteuse d'histoires

En plus il y avait un pouf assorti à son pantalon !
Samedi j'ai emmené Eglantine à l'Institut Français pour une atelier de contes. Avec la douce Alina qui écrit des contes pour enfants, les trois petites filles présentes ont inventé des histoires de châteaux. Dans celui d'Eglantine vivait un dragon. Mais en fait ce n'était pas son château. Quand le roi et la reine sont rentrés de vacances ils ont eu très peur du dragon. Si bien qu'ils sont immédiatement repartis en vacances (faut pas se laisser abattre ! ndlr). Revenus une semaine plus tard, ils ont pris leur courage à deux mains pour affronter le dragon. Et se sont aperçus que c'était en fait un bébé. Du coup ils l'ont adopté (c'est pratique un dragon dans un château pour allumer les feux de cheminé ! ndlr).

Alina a dit qu'Eglantine avait beaucoup d'imagination et beaucoup d'humour. Nous n'en doutions pas ;-)

Carêmes

Le 15 novembre dernier a commencé le carême d’avant Noël (postul Craciunului). Pas de viande, pas de fromage, d’œuf ou de lait. Le poisson est autorisé le week-end et les jours de fête, comme le jour de la Saint Nicolas, le 6 décembre.

Bien sûr les Roumains ont aussi le carême de 40 jours avant Pâques (postul Pastelui) où le poisson est totalement défendu. La dernière semaine avant Pâques, semaine de la Passion (saptamana Patimilor), il est normalement interdit de consommer de l’huile et des orties.

Enfin un troisième carême a lieu du 1er au 15 août (Sfintei Marii) et tout au long de l’année les mercredi et vendredi sont également des jours de carême.

Durant les périodes de carêmes, on ne célèbre pas de mariages.
Certaines personnes peuvent également choisir de faire une ou plusieurs journées de post negru durant lequel ils ne mangent ni ne boivent absolument rien. C’est le cas le Vendredi Saint (Vinerea Mare).

Toutes ces explications nous ont été fournies par notre prof de roumain, Antonia, alors que nous plaisantions sur son mariage (auquel bien sûr nous rêvons d’assister !). Elle nous expliquait que même si elle avait un fiancé, le mariage ne pourrait pas être célébré dans les prochaines semaines à cause du carême.

En dehors de ça il ne me semble pas que la majorité des Roumains suivent strictement ce carême de Noël.

dimanche 20 novembre 2011

Sport sur écran vert

Ecran vert sur lequel des joueurs civilisés s'affrontent dans un tournoi de golf. "Dis papa pourquoi toi personne ne te regarde jouer au golf à la télé ?" Eglantine s'intéresse.


Elle revient après un long moment dans sa chambre.

"Mais papa pourquoi ils se battent les golfeurs ?!"
Ecran vert sur lequel les joueurs s'affrontent maintenant au corps à corps.

Olivier est passé au rugby... ;-)

vendredi 18 novembre 2011

Coliva

Au début de la visite du cimetière Bellu, Mariana nous a distribué des petits paquets de coliva. Ce plat sucré est préparé uniquement pour commémorer les morts. D’après notre guide il remonterait à la tradition dace du sacrifice pour Zalmoxis. Le meilleur guerrier qui devait mourir pour porter un message à ce dieu recevait avant son saut sur les lances acérées du vin et de la nourriture saine : blé, noix, miel qui devaient purifier son corps.
Lors des enterrements, la coliva préparée par les proches du défunt est distribuée à la famille et aux amis, mais également aux pauvres, pour honorer la mémoire du mort.
Etrangement cette douceur funéraire rappelle la saveur du asure turc. Bien que sans les haricots secs. Les deux cultures se seraient-elles rencontrées autour de ce plat lors des siècles d’occupation ottomane ? Pour moi ce fût un réel plaisir de retrouver un goût que j’apprécie grâce à la bienveillance de notre guide.

Le cimetière Bellu

Nous arrivons un peu en retard et retrouvons le groupe à l’entrée du cimetière. Le temps est splendide. Le soleil illumine les feuilles d’automne qui virevoltent au-dessus des tombes en une pluie dorée. Nous sommes dans le plus grand cimetière de Bucarest construit au milieu du XIXe siècle sur un terrain donné à la ville par le baron Bellu.


Ce cimetière est le premier à s’installer à l’extérieur de la ville, délaissant les traditionnels petits cimetières qui se pressaient autour des églises. Les grandes familles de Bucarest s’y font construire de véritables palais pour abriter leurs morts. Elles confient ce travail aux meilleurs artistes de Roumanie. Si bien qu’au détour des allées où la nature est aussi présente que les pierres, nous admirons des architectures variées qui ont finalement en commun une certaine démesure.

Je préfère les vieilles pierres aux constructions plus modernes. Mais j’ai trouvé particulièrement notable le caveau qu’a fait construire une riche famille d’aujourd’hui, avec ascenseur et climatisation. Musiciens, écrivains, aviateurs, peintres, acteurs, riches familles, les tombes croulent sous les feuilles. Les anges veillent sur ce lieu hors du temps. Mais pas hors de la vie. Là une femme qui balaye une tombe, des ouvriers qui réparent une allée, un chien qui erre, le cimetière n’est pas un lieu oublié des vivants. D’ailleurs de petits bancs attendent un peu partout les visiteurs, comme une invitation à rester nous aussi.





De l’histoire de ses occupants je n’ai pas tout retenu. Entre écouter notre guide et prendre des photos mon choix est allé vers les photos. Je passais donc beaucoup de temps à courir ensuite après le groupe. J’ai cependant mis dans ma besace quelques belles histoires, forcément dramatiques. Nous sommes dans un cimetière…




Éternellement sensible à la lumière et aux couleurs, je n’ai pu qu’être interpellée par la profusion des lanternes autour des tombes. J’aimerais avoir l’occasion de voir le cimetière ainsi illuminé lors d’une des deux fêtes des morts.



A l’extrémité sud du cimetière se trouve le carré français où sont inhumés les soldats français morts lors de la première guerre mondiale. Les tirailleurs algériens sont bien présents. Mais leur nombre de soldats inconnus frappe par son importance. Peut-être le seul endroit du cimetière Bellu avec des croissants. Comme nous ne sommes que quelques jours après le 11 novembre, le monument aux morts est tapissé de gerbes de fleurs. De quoi gonfler l’ego de l’énorme coq en bronze qui se dresse fièrement à son sommet.



Déambuler dans ce cimetière est comme se promener dans un grand livre d’histoire de la Roumanie moderne. Je n’avais malheureusement pas le temps de me rendre dans la partie dédiée aux héros de la Révolution de 1989. Elle n’est pas remarquable par l’architecture de ses tombes, qui sont toutes identiques, mais par l’âge très jeune de ceux qui sont enterrés.






Petit rêve deviendra grand

Quelques minutes avant 7h. Eglantine débarque dans la chambre. "Maman cette nuit j'ai grandi !".
Je lui demande ce qui lui fait dire ça.
"J'ai rêvé !"

Le soir Eglantine aime qu'on lui chante une berceuse dont le refrain explique que "C'est les rêves, c'est les rêves qui font grandir les enfants"...

Un peu de magie, un peu de poésie, beaucoup de rêves et ma Titi grandit.

jeudi 17 novembre 2011

Curtea de Arges dans un battement d'ailes

Le battement d’ailes du papillon provoque parfois des fous rires improbables. Mon papillon commence à battre des ailes en Turquie lorsque ma chère amie Yesim obtient in extremis son visa pour la Roumanie. Il prend l’avion pour la Roumanie et Yesim est avec nous à Bucarest pour quelques jours. Un bien beau papillon qui d’un battement d’ailes m’enverra à Pitesti pour amener son ordinateur à mon homme. Je manque moi-même quitter Bucarest sans le précieux ordinateur, pressée de partir à l’aventure avec Yesim. Je découvre l’usine Renault  sur une petite hauteur de Mioveni. Olivier nous invite à déjeuner au restaurant de l’usine. Je mets enfin des images sur ces lieux qui rythment notre vie ici depuis presque trois mois.
Il fait beau et notre papillon nous incite à profiter de cette sortie imprévue pour visiter Curtea de Arges dont le guide Vert nous conseille la visite des deux églises royale et princière.

Il est 16h. Le jour décline déjà. Nous allons au musée de la ville demander l’ouverture de l’église Saint Nicolas. Un guide francophone nous accompagne. Son entrée en matière sur la barbarie des Turcs et l’erreur des européens de l’ouest d’avoir laissé construire des mosquées me laisse perplexe. Ses jugements manquent de nuance. Il parle sans nous regarder en face. Calmement, comme possédé par l’histoire que racontent les fresques qui couvrent les murs de cette église princière. La lumière arrive à peine à enter par les quelques fenêtres. Notre guide transporte des projecteurs d’une fresque à une autre pour nous expliquer avec ferveur la richesse des peintures originales redécouvertes au XXe siècle. Elles datent du XIVe et sont de bien meilleure qualité que celles réalisées au XIXe.

Pendant une heure, comme dans un son et lumière, nos yeux suivent l’histoire de la chrétienté roumaine. Il fait définitivement nuit, et froid. Les yeux de notre guide sont brillants de savoir. Il nous propose de nous emmener visiter l’autre église, celle du monastère, également nécropole royale. Sur le parking du musée nous attendons le père de notre guide qui doit passer le prendre en voiture. Nous les suivrons avec ma voiture. Deux femmes suivent deux hommes inconnus dans la nuit froide d’un village roumain pour aller dans un lieu inconnu. Nous jouons à nous faire peur. Mais notre papillon est là qui de son battement d’ailes nous réserve d’autres surprises.

Nous apprenons que notre guide s’appelle Marius et son papa Georges. Ce dernier est un professeur de français désespéré par le niveau de ses élèves. Il a peur que son fils attrape froid et qu’il s’épuise dans un travail qui ne rapporte rien, si ce n’est le savoir du passionné. Ils nous parlent de la corruption, de la vie des gens ordinaires des campagnes jusqu’à qui l’argent n’arrive jamais.

Nous nous garons sur un parking désert. Dans un mur de pierre, deux grandes grilles sont ouvertes. Nous devinons de grands arbres dont les feuilles se font rares. Le ciel couvert ne laisse voir aucune étoile. En haut d’un escalier, l’église royale se dresse telle un vaisseau fantôme. Nous apercevons de la lumière derrière les étroites fenêtres mais les lourdes portes en bronze sont fermées. Comme en atteste le nom de l’orfèvre qui les a réalisées, elles sont venues de Paris au XIXe siècle.

Nous faisons le tour du parc. Au-dessus des nuages nous entendons les oies sauvages qui partent vers les pays chauds. Marius nous raconte cette chantilly de marbre, nous montre les pierres d’origines derrière un grillage sur le côté. Il pourrait rester là encore des heures à nous parler de son pays. Nous retrouvons cependant la sortie.

Les grilles sont fermées.

Pourtant nous n’avons vu personne.

Nous sommes tous pressés de rentrer dans la chaleur de nos maisons.

Nous décidons d’escalader le mur d’enceinte du monastère.

Énorme fou rire face à l’incongruité de la situation.
Notre papillon a bien battu des ailes. Un visa, un ordinateur et la folie de deux amies. La Roumanie nous a offert une journée magnifique.

Dans la voiture sur le chemin du retour nos lèvres sont figées sur un sourire entendu. C’est sûr, nous en rirons longtemps !

Des Daces aux invasions barbares

Jeudi 20 octobre. Salon d’honneur de l’IFB. Florin Cozma finit de mettre en place sa conférence tout en saluant les mamans de ses élèves d’histoire au Lycée Français. Première séance. Les slides sont mélangés, le trac a gagné l’orateur. Et pourtant il en sort un passionnant récit des débuts de la Roumanie.

Les premières traces de vie remontent au néolithique sur les bords de la mer Noire. Le Penseur et la Déesse Mère sont un magnifique témoignage de la présence des formes de vies organisées des cultures Cucuteni et Hamangia.


Cependant l’histoire de la Roumanie commence réellement avec les Daces. Découvrons alors Gebeleizis, leur dieu du tonnerre, de l’orage et de la nature, le dieu premier. Et Zalmoxis qui a été son grand prête avant d’être lui-même divinisé.

Selon Hérodote, Zalmoxis a été un disciple de Pythagore. Il a voyagé jusqu’en Egypte avant de revenir chez les siens, autour du sanctuaire de Sarmisegetusa. Avec lui les Daces adoptèrent l’idée de la vie après la mort. Afin de gagner la vie éternelle, il exigea d’eux une vie morale avec notamment l’interdiction de boire du vin.

Les Daces ont ensuite gardé la coutume d’envoyer un messager à Zalmoxis. Il s’agissait d’un de leurs meilleurs guerriers qui devait sauter du haut d’une falaise sur un parterre de lances. Il passait ainsi dans le monde des morts et pouvait porter le message des Daces à leur dieu.

Toutefois, même si les Daces maîtrisent le travail du métal (casques, sabres), ils resteront longtemps une simple union de tribus avec des chefs indépendants. Au Ier siècle avant JC, Burebista sera le premier vrai roi des Daces et le fondateur de la Dacie (Dacia).

Burebista

L’histoire raconte qu’il réunit les grands chefs tribaux sur un plateau afin de leur montrer une meute de chiens qui se disputaient. Buresbista fait alors entrer un loup. Les chiens s’unissent ainsi contre le loup. Et gagnent. Le loup représente bien sûr la menace romaine juste au sud du Danube. Alors à la tête d’une puissante armée, Burebista arrive à passer le Danube gelé en hiver et s’allie à Pompéi contre César, vainqueur des Gaules. A sa mort en 44 avant JC César n’aura pas eu le temps de punir cet impétueux roi dace. Burebista mourra la même année lors d’une révolte interne.

Jamais le royaume ne sera aussi étendu que sous son règne. Burebista aura poussé les frontières de la Dacie jusqu’à l’actuelle Tchéquie et la Slovaquie. Il instaure le drapeau Dace, une tête de loup avec une queue de serpent qui sifflait quand il était porté lors des batailles. Après sa mort le royaume est scindé en quatre puis cinq petits états.

Ce n’est qu’avec l’arrivée au pouvoir de Decebalus au Ier siècle après JC que la Dacie est de nouveau unie et le royaume renforcé. Il s’attaque alors à l’empire Romain. Les Daces franchissent à nouveau le Danube et entrent en conflit avec l’empereur Domitien. En 89 bat les Daces aux Portes de Fer. Rappelé à Rome par des problèmes internes il ne peut atteindre leurs fameuses citadelles des Carpates.

Statue de Decebalus sur les bords du Danube
Près de Orsova - Roumanie

© Andy Loghin, http://www.panoramio.com/photo/2775854

Lors de la première guerre daco-romaine (101-102) l’armée de Trajan conquiert des citadelles daces mais pas les principales. Dans l’armistice Decebalus s’engage à détruire lui-même les citadelles et à devenir un sujet de Rome. Loin de respecter sa parole, il fortifie les citadelles et protège les déserteurs de l’armée romaine.

Trois ans après Trajan décide donc d’en finir avec les Daces et commence la deuxième guerre daco-romaine (105-106). Cette fois toutes les citadelles sont prises. Alors qu’il est poursuivi par les Romains, Décebalus se suicide. Il veut ainsi éviter le sort de Vercingétorix, exhibé à Rome comme trophée avant d’être exécuté.
La colonne Trajane (Rome)
L’histoire de cette conquête est racontée presque sous la forme d’une bande-dessinée sur la Colonne Trajane. Si l’originale est à Rome, on peut voir une copie intégrale au Musée national d’histoire de Roumanie à Bucarest.

Quelques irréductibles Daces se sont réfugiés à Rosia Montana, au centre de la Transylvanie. Là se trouve une immense mine d’or. L’or était considéré comme diabolique par les Daces. De nombreuses légendes racontent l’histoire de ceux qui ont quitté le village avec de l’or. Pervertis par la ville et l’argent ils sont devenus fous.
Aujourd’hui Rosia Montana est au centre d’une importante polémique nationale car il est question d’en extraire l’or avec du cyanure.
A l’époque de Trajan les Romains refont une santé à leur sesterce grâce à l’or de Dacie.

A partir de 106 les Romains occupent les deux tiers du royaume dace, des montagnes à la mer Noire. Les Daces acceptent ces Romains qui leur offrent une civilisation plus avancée, construisent des routes, des villes, des termes, des forums, etc. Ils construisent un pont sur le Danube, aux Portes de Fer, dont les pieds sont restés visibles jusqu’au XXè siècle. Les Romains installent leur armée et leur administration ainsi que des familles en quête de terres et leurs esclaves. Les colons viennent de Gaule, d’Espagne ou d’Afrique du Nord pour s’installer dans ce nouvel Eldorado.
A la suite de cette romanisation, il ne reste plus grand-chose de la langue dace, peut-être 160 mots dont branza (fromage).
La Dacie conquise prend le nom de Dacia Felix (l’heureuse Dacie) et se dote d’une capitale, Ulpia Traiana sur le site de Sarmizegetusa, la principale citadelle dace.

La romanisation de la Dacie se poursuit jusqu’en 271. L’empereur Aurel décide alors de retirer ses troupes et son administration au sud du Danube qui constitue une frontière naturelle plus facile à défendre.

Le départ des Romains plonge la région dans le sombre Moyen-Age. La population se ruralise, le niveau de vie se dégrade. Wisigoths, Gépides, Huns, Avars, Slaves, Bulgares, la Dacie devient une terre de passage vers Constantinople. Sans richesse elle n’incite pas les envahisseurs à la sédentarisation. Seuls quelques Slaves resteront et expliquent par exemple l’utilisation du da roumain (oui) ou encore l’utilisation du cyrillique jusqu’en 1850.

Les Carpates deviennent la colonne vertébrale de la région. Elles sont un refuge naturel contre l’envahisseur et ont permis de préserver la même langue à travers toute la Roumanie actuelle malgré des occupations d’origine très différentes (austro-hongroise, ottomane, polonaise).

Le drapeau tsigane
Les Roms quant à eux sont un peuple nomade venu d’Inde, qui sera réduit en esclavage jusqu’au milieu du XIXè siècle.

Le tourbillon perpétuel

Le temps file et coule entre mes doigts aussi vite que du sable fin. La vie ici est un tourbillon perpétuel plein de surprises délicieuses. La venue de mon amie Yesim, des visites fabuleuses et originales, de nouveaux projets. Ce matin je file à une conférence sur l'histoire de la Roumanie. Après promis j'écris ! J'ai tant de choses à vous raconter...

samedi 12 novembre 2011

TELLusVision a vu 100% RO...

...et cite la Cafetière. Deux bonnes raisons d'aller y faire un tour. Et si vous aviez besoin d'une autre bonne raison, sachez que vous y verrez d'autres photos, pour en avoir encore plus plein les yeux !

TELLusVISION par Karianne.

And for those who don't speak French, it's also in English !

vendredi 11 novembre 2011

Manuela


Robe en jersey de soie céladon drapé infini grés, hanches et épaulettes rehaussées, conjuguée à un gilet bucovinien brodé main, agrémenté de Dihor.
Bottes en cuir menthe métallique, talons infinis lingots d’or.
Gants bouts de doigts et bras longs dans le même état.
Bagues métacarpiennes aux chutes infinies de perles.

Préjugés

Partir entre copines avec Eglantine et son amie Yael. Prendre place dans le salon vert du rez-de-chaussée de la Résidence de l’Ambassadeur de France. Ambiance hivernale. La forêt est dans la maison. Les arbres d’un blanc de neige ont perdu leurs feuilles. Les hôtesses portent des robes en maille noire avec des tours de cou en maille sertis de broderies chamarrées. Simple et magnifique.

Attendre deux heures. Les filles ont été impeccables. Quelques personnes quittent la salle.

22h. "Préjugés", le défilé, commence. Dehors une neige de polystyrène nous plonge dans l’hiver des Carpates. Lena fait son entrée. Les visages crispés par l’attente se détendent instantanément. Les silhouettes semblent sortir d’un long rêve, le pas hésitant, perchées sur leurs talons infinis. Comme la naissance d’un nouvel être après une longue gestation. Petit à petit les femmes prennent de l’assurance. Le regard se fixe, l’allure s’accélère. Les vestes tombent, découvrant le travail fabuleux de ces artisans roumains qui clôtureront le défilé aux bras des mannequins.
Les couleurs se balancent au rythme du déhanchement des modèles. Les cascades de perles végétales du kilt en mousseline de Gabriela, la jupe cirque de Valeria, les reflets solaires d’Irina.

GABRIELA

Kilt noir chamarré de chutes végétales en perles brodées main.
Blouse Henri VIII en lainage bleu marine, rayures tennis, rehaussée dune constellation de perles caviar.
Escarpins ceinture berger en cuir rouge, talons infinis lingot d’or.

VALERIA

Gilet bucovinien bordé d’astrakan sombre, porté sur une blouse Henri VIII imprimée Magheru, jupe cirque améthyste brodée de chutes de perles dungi rouge et or.
Couvre-chef Sibiu en feutre rouge à cocarde et gants courts en cuir améthyste.
Bottes moucharabieh en cuir rouge.


Le public applaudit. Il découvre avec admiration le travail immense qui a été accompli, la richesse des idées de Philippe Guilet et de son équipe. Les appareils photo sont sortis pour immortaliser cette ambiance et cette œuvre. En emporter un petit morceau avec soi.

Entre temps Eglantine et Yael ont été aimantées par les billes de polystyrène qui entraient en flot continu grâce à un courant d’air sous la porte juste en face de nous. J'ai tout de même réussi à en sortir Eglantine pour qu’elle voit Bucarestina, la robe câble, à l’image des fils électriques qui couvre les poteaux de Bucarest. Elle a adoré. Moi aussi.

BUCARESTINA

Robe fourreau bustier en lamé cuivre recouvert d'un voile de mousseline sombre, emprisonnée d'une succession de câbles en mousseline sombre, réchauffée de jambières en organza craquant noir lacées dos.
Gants bouts de doigts et bras longs en pongé noir.
Petit pas pour escarpin en vernis noir, talons infinis bani.
Capeline d'hiver en mousseline noir et câble.

Cependant pour deux petites filles de six ans, Irina reste le clou du spectacle, projetant de ses innombrables perles brodées une lumière solaire qui fera briller leurs yeux écarquillés.

Dans ce vent de folie qui a pris possession de l’Ambassade de France, la mariée passe comme une bourrasque de vent enneigé au bras de Philippe. Le défilé est fini. Le public ne se lève pas de suite. Comme si cette magie ne pouvait prendre fin.


Mais déjà les serveurs se pressent avec leurs plateaux de boissons et de toasts au foie gras. Les télés font des interviews. Les impressions s’échangent et chacun serre contre soi le petit sac dans lequel se trouvent le dossier de presse et un superbe crayon à papier en bois sculpté. Conçu comme un napperon traditionnel plié en quatre, garni de superbes photos, personne ne l’oubliera. Il est à lui seul un objet magnifique que chacun veut garder.

Après quelques verres et de délicieux petits-fours fournis par Ici et Là, nous montons voir l’atelier. Les filles jouent avec les restes de tulle et les rubans de cuir. La bataille est finie mais pas l’aventure. Elle se poursuivra à Paris en février. Parce que la Roumanie est autre chose qu'un pays de délinquants, "Préjugés" va vous ébouriffer.

mercredi 9 novembre 2011

Haute-couture, J -1

100% RO est avant tout la rencontre d’un pays et d’un homme. Philippe Guilet a trouvé en Roumanie une nation et un peuple aux richesses méconnues. A travers 100% RO il souhaite mettre en avant la culture et l’artisanat roumains qu’il a découvert lors de ses nombreux voyages. Au-delà des préjugés, il sublime le savoir-faire de tout un pays, revisitant les traditions pour des tenues à la modernité exigeante.

Cette collection s’appuie sur les codes très marqués du style Henri VIII pour utiliser des savoir-faire provenant aussi bien du domaine vestimentaire qu’architectural. Des câbles électriques qui strient Bucarest aux bergers des Maramures, des églises de Bucovine aux cicatrices de cette Roumanie qui se reconstruit, des œufs de Pâques aux influences ottomane ou autrichienne, du plus simple des napperons aux plus précieuses ceintures, des plus grands artistes roumains aux plus modestes tapis, Philippe Guilet a appliqué, détourné et revisité un artisanat ancestral.

A l’image de ces femmes à qui elles sont un hommage, les tenues portent des prénoms roumains. Comme si Anca, Lena, Ecatarina et toutes les autres venaient vous conter leur histoire, venues de leurs villages lointains pour le grand bal de ce soir, dans la folle danse de la vie et de la mort. Vêtues du cuir de leurs bêtes, de la laine qu’elles auront tissé et de leurs colliers de perles, elles sont notre joie et notre peine dans la dignité de leurs racines. La noblesse de leur âme se lit dans leurs étoffes minutieusement travaillées, portées par l’infini de la colonne de Brancusi.

Pour mettre en place cette première collection de haute-couture absolument roumaine, Philippe Guilet s’est entouré d’une équipe 100% roumaine, jeune et bouillante de créativité qui sait, comme lui, ne pas oublier ses racines pour faire pétiller le futur.

Pour ma part, j'ai terminé hier soir les descriptions en français des 34 tenues que nous pourrons admirer demain soir lors du défilé à l'Ambassade. Un vrai travail d'écriture. Le premier en dehors de la Cafetière. Des rencontres fabuleuses et qui sait du boulot rémunéré par la suite (oui lecteur de mon blog, je suis loin d'avoir renoncé à l'idée de travailler!).

Pour vous donner un avant-goût, voici la photo parue sur forbes.ro hier.
www.forbes.ro

L'art moderne roumain, point de vue norvégien

Première découverte de l’art moderne roumain. Notre conférencière avait mieux à faire et la conférence a été assurée par Karianne au pied levé mais la tête bien posée sur les épaules. Karianne est une artiste norvégienne arrivée à Bucarest voilà une petite année. Vous pouvez en savoir plus sur son blog : http://www.studio-boo-k.blogspot.com. Elle a donc passé une bonne partie de la nuit à nous concocter une conférence de qualité. Elle nous a fait découvrir l’art moderne roumain à travers son propre regard.

Et si l’art moderne commence en 1906 avec Les demoiselles d’Avignon de Picasso, Karianne a débuté son récit par la création de l’école des Beaux-Arts roumain en 1859. Période pré-moderne durant laquelle Theodor Aman et Gheorghe Tattarescu, insatisfaits des quelques classes d’art disponibles à Bucarest, ont décidé d’ouvrir cette école.

J’ai aimé l’histoire de Cecilia Cutescu Storck (1879 – 1969) qui ne s’est pas contentée d’être la femme de Frederic Storck, célèbre sculpteur roumain du début du XXe siècle. Elle était elle-même une artiste émérite et la première femme professeur d’arts en Europe. Aux Beaux-Arts de Bucarest bien-sûr ! J’ai évidemment envie d’aller voir la Casa Storck, l'ancienne demeure du couple qui était un haut lieu de rencontre pour les artistes roumains de l’époque.

Un portrait peint par Grigorescu.
J’ai eu un vrai coup de cœur pour les portraits du peintre impressionniste Nicolae Grigorescu (1838-1907). J’ai hâte de me rendre au Musée National des Arts Roumain et au Musée des Collection pour croiser à nouveau ces visages émouvants de la Roumanie qui ont pris vie sous les coups de pinceaux de Grigorescu.

J’ai apprécié être bousculée dans mon point de vue habituel de Française par l’approche très norvégienne que Karianne nous a proposée. Je ne suis pas certaine que sans elle j’aurais un jour pris le temps de découvrir le travail de Georges b. Lowendal (avec un o barré, mais je n’ai pas de clavier norvégien). Et voilà de nouvelles destinations de promenades bucarestoises car j’ai envie de voir autrement que sur un écran les magnifiques portraits de paysans roumains de ce petit-fils du roi du Danemark et de Suède, Frédéric III. Allez je vous donne ses dates, 1897 – 1964.

Un paysan de Bucovine par George Lowendal


Bien sûr Karianne nous a présenté l’œuvre de Constantin Brancusi (1876 – 1957), le plus français des artistes roumains puisqu’il avait son atelier dans le 14e arrondissement de Paris et que sa tombe se trouve au cimetière de Montparnasse. Amis parisiens, allez donc faire un tour dans son atelier reconstitué en face de Beaubourg. Vous aurez un peu de cette belle Roumanie sous les yeux. Quant à moi, seules quatre heures de route me séparent de sa Colonne sans Fin à Targu Jiu. Je vais y aller dès que possible. Vous prenez vos billets d’avion ?

Le baiser de Brancusi


Bon, je retourne à mes moutons, et à l’art moderne roumain avec Victor Brauner (1903-1966). Surréaliste de l’avant-garde roumaine, il a enseigné aux Beaux-Arts de Bucarest mais à l’instar de Bancusi son travail était avant tout parisien. D’ailleurs c’est en France que vous pouvez voir ses œuvres.

Enfin, et parce que ça fait aussi partie de l’histoire artistique de la Roumanie, Karianne nous a parlé de Sabin Balasa (1932-2008), peintre favori de Ceaucescu. Il toucherait du doigt le surréalisme avec quelques sujets flottant dans les airs. J’avoue que je ne me déplacerai pas pour lui mais maintenant que je connais son nom je regarderai peut-être d’un autre œil une de ses œuvres, un jour, au Palais du Peuple.

L’art moderne prend fin vers 1960. Commence alors la période favorite de Karianne et son domaine de travail, l’art contemporain. Elle a su me donner envie d’aller dans les galeries de Bucarest (Hart Gallery, Atelier 030202…) pour découvrir Sorin Ilfoveanu, Ion B, Iona Ciocan, Olivia Nitis, Tar Aurel, Andru Ciubotaru ou Alexandru Chrira.

http://eagallery.ro/artisti/sorin-ilfoveanu

Mais ça tombe bien l’Institut Français de Bucarest héberge en ce moment une installation de Carmen Lidia VIDU « Ion Birladeanu, mon cowboy ». En tenue de cow-boy, comme un acteur d'un de ces films où il a toujours rêvé apparaître, Ion B est affiché en grand format dans l’atrium de l’IFB au dessus de bottes de foin en papier journal. Hommage au travail exclusif de collages qui a fait sortir cet ancien SDF de la rue.

http://www.barnanemethi.com/2173503/ion-b

Et qui papote dans la cour ? Ion B en personne. Quand l'art rejoint la réalité, merci Karianne !

Petite doudou

Hortense me fait rire aux éclats. Petit ange au caractère bien trempé, elle parle de plus en plus. Et surtout on la comprend de mieux en mieux. Ce qui n'est pas sans intérêt. Elle sait ce qu'elle veut : aller au parc. Elle aime danser et hurle Wakawaka avec Shakira en enchaînant des pas dont elle a le secret. Elle explore toutes les possibilités qui s'offrent à elle avec beaucoup d'intelligence, le sourire et beaucoup d'humour. Et si vous vous fâchez devant ses merveilleuses idées, elle vous sort le regard par en-dessous qui tue vos remontrances les plus féroces et fait naître un sourire avant... de rire aux éclats avec elle. Je vous l'avais bien dit !

jeudi 3 novembre 2011

Ici et là, pensées vagabondes


Le rythme s’accélère à 100% RO. Les tenues arrivent au compte-goutte des quatre coins du pays. Il faut ajuster le budget, prévoir tous les détails du défilé, recruter les derniers modèles. Je rame pour finir les descriptions des tenues afin que Svetlana puisse les traduire. C’est le coup de chauffe.

Je m’accorde une pause dehors pour déjeuner. Ici et là est un restaurant français à deux pas de l’ambassade. Ambiance néo-baroque, tendance moderne, décor cosy, grande baie vitrée donnant sur la Piata Romana, couleur jaune vif des taxis, vieux immeubles évoquant Paris, surplombés de constructions en béton sans âme et sans charme, à la mode bucarestoise.

Ici foie gras et tartare de bœuf sont les ambassadeurs de la France. Cuisine de qualité, plats classiques. Un verre de vin. Là je continue de travailler, l’œil buissonnier sur les passants. Une mamie avec son sac de courses, ses grosses lunettes et son chapeau de laine rouge examine le menu depuis le trottoir. Elle me plaît. J’aimerais connaître son destin, comment elle est arrivée là  et ce qu’elle pense de la vie d’aujourd’hui. La crise qui n’en finit pas, son pays en pleine mutation, en perpétuelle construction. Des jeunes femmes au corps de liane et aux grands sacs de cuir déambulent dans la rue, serrées dans leurs doudounes fourrées et leurs jeans slim. Une broche bleue sur un manteau de laine attire mon regard. Des cheveux blancs sous des chapeaux de feutre, clope au bec, les rides grises comme le ciel, les papis roumains. Le sac d’ordinateur en bandoulière, le costume sombre, le téléphone à l’oreille, le visage sérieux de ceux qui n’ont pas que ça à faire, les hommes d’affaires passent d’un pas rapide et assuré.

Retour d’une semaine turque, j’ai du mal à me remettre au roumain. Un signe de main pour demander l’addition, je finis mon café et je vais retrouver Mathilda, Lena, etcetera.

Je resterais bien là, à écrire sur le temps qui passe et les gens en mouvement, sur les conversations d’à côté, les différences capillaires, les regards furtifs, les mots qui s’échangent dans toutes les langues et qui viennent s’entrechoquer dans ma tête. Ici Bucarest, capitale de ma vie pour les trois prochaines années.