jeudi 17 novembre 2011

Curtea de Arges dans un battement d'ailes

Le battement d’ailes du papillon provoque parfois des fous rires improbables. Mon papillon commence à battre des ailes en Turquie lorsque ma chère amie Yesim obtient in extremis son visa pour la Roumanie. Il prend l’avion pour la Roumanie et Yesim est avec nous à Bucarest pour quelques jours. Un bien beau papillon qui d’un battement d’ailes m’enverra à Pitesti pour amener son ordinateur à mon homme. Je manque moi-même quitter Bucarest sans le précieux ordinateur, pressée de partir à l’aventure avec Yesim. Je découvre l’usine Renault  sur une petite hauteur de Mioveni. Olivier nous invite à déjeuner au restaurant de l’usine. Je mets enfin des images sur ces lieux qui rythment notre vie ici depuis presque trois mois.
Il fait beau et notre papillon nous incite à profiter de cette sortie imprévue pour visiter Curtea de Arges dont le guide Vert nous conseille la visite des deux églises royale et princière.

Il est 16h. Le jour décline déjà. Nous allons au musée de la ville demander l’ouverture de l’église Saint Nicolas. Un guide francophone nous accompagne. Son entrée en matière sur la barbarie des Turcs et l’erreur des européens de l’ouest d’avoir laissé construire des mosquées me laisse perplexe. Ses jugements manquent de nuance. Il parle sans nous regarder en face. Calmement, comme possédé par l’histoire que racontent les fresques qui couvrent les murs de cette église princière. La lumière arrive à peine à enter par les quelques fenêtres. Notre guide transporte des projecteurs d’une fresque à une autre pour nous expliquer avec ferveur la richesse des peintures originales redécouvertes au XXe siècle. Elles datent du XIVe et sont de bien meilleure qualité que celles réalisées au XIXe.

Pendant une heure, comme dans un son et lumière, nos yeux suivent l’histoire de la chrétienté roumaine. Il fait définitivement nuit, et froid. Les yeux de notre guide sont brillants de savoir. Il nous propose de nous emmener visiter l’autre église, celle du monastère, également nécropole royale. Sur le parking du musée nous attendons le père de notre guide qui doit passer le prendre en voiture. Nous les suivrons avec ma voiture. Deux femmes suivent deux hommes inconnus dans la nuit froide d’un village roumain pour aller dans un lieu inconnu. Nous jouons à nous faire peur. Mais notre papillon est là qui de son battement d’ailes nous réserve d’autres surprises.

Nous apprenons que notre guide s’appelle Marius et son papa Georges. Ce dernier est un professeur de français désespéré par le niveau de ses élèves. Il a peur que son fils attrape froid et qu’il s’épuise dans un travail qui ne rapporte rien, si ce n’est le savoir du passionné. Ils nous parlent de la corruption, de la vie des gens ordinaires des campagnes jusqu’à qui l’argent n’arrive jamais.

Nous nous garons sur un parking désert. Dans un mur de pierre, deux grandes grilles sont ouvertes. Nous devinons de grands arbres dont les feuilles se font rares. Le ciel couvert ne laisse voir aucune étoile. En haut d’un escalier, l’église royale se dresse telle un vaisseau fantôme. Nous apercevons de la lumière derrière les étroites fenêtres mais les lourdes portes en bronze sont fermées. Comme en atteste le nom de l’orfèvre qui les a réalisées, elles sont venues de Paris au XIXe siècle.

Nous faisons le tour du parc. Au-dessus des nuages nous entendons les oies sauvages qui partent vers les pays chauds. Marius nous raconte cette chantilly de marbre, nous montre les pierres d’origines derrière un grillage sur le côté. Il pourrait rester là encore des heures à nous parler de son pays. Nous retrouvons cependant la sortie.

Les grilles sont fermées.

Pourtant nous n’avons vu personne.

Nous sommes tous pressés de rentrer dans la chaleur de nos maisons.

Nous décidons d’escalader le mur d’enceinte du monastère.

Énorme fou rire face à l’incongruité de la situation.
Notre papillon a bien battu des ailes. Un visa, un ordinateur et la folie de deux amies. La Roumanie nous a offert une journée magnifique.

Dans la voiture sur le chemin du retour nos lèvres sont figées sur un sourire entendu. C’est sûr, nous en rirons longtemps !

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