jeudi 17 novembre 2011

Des Daces aux invasions barbares

Jeudi 20 octobre. Salon d’honneur de l’IFB. Florin Cozma finit de mettre en place sa conférence tout en saluant les mamans de ses élèves d’histoire au Lycée Français. Première séance. Les slides sont mélangés, le trac a gagné l’orateur. Et pourtant il en sort un passionnant récit des débuts de la Roumanie.

Les premières traces de vie remontent au néolithique sur les bords de la mer Noire. Le Penseur et la Déesse Mère sont un magnifique témoignage de la présence des formes de vies organisées des cultures Cucuteni et Hamangia.


Cependant l’histoire de la Roumanie commence réellement avec les Daces. Découvrons alors Gebeleizis, leur dieu du tonnerre, de l’orage et de la nature, le dieu premier. Et Zalmoxis qui a été son grand prête avant d’être lui-même divinisé.

Selon Hérodote, Zalmoxis a été un disciple de Pythagore. Il a voyagé jusqu’en Egypte avant de revenir chez les siens, autour du sanctuaire de Sarmisegetusa. Avec lui les Daces adoptèrent l’idée de la vie après la mort. Afin de gagner la vie éternelle, il exigea d’eux une vie morale avec notamment l’interdiction de boire du vin.

Les Daces ont ensuite gardé la coutume d’envoyer un messager à Zalmoxis. Il s’agissait d’un de leurs meilleurs guerriers qui devait sauter du haut d’une falaise sur un parterre de lances. Il passait ainsi dans le monde des morts et pouvait porter le message des Daces à leur dieu.

Toutefois, même si les Daces maîtrisent le travail du métal (casques, sabres), ils resteront longtemps une simple union de tribus avec des chefs indépendants. Au Ier siècle avant JC, Burebista sera le premier vrai roi des Daces et le fondateur de la Dacie (Dacia).

Burebista

L’histoire raconte qu’il réunit les grands chefs tribaux sur un plateau afin de leur montrer une meute de chiens qui se disputaient. Buresbista fait alors entrer un loup. Les chiens s’unissent ainsi contre le loup. Et gagnent. Le loup représente bien sûr la menace romaine juste au sud du Danube. Alors à la tête d’une puissante armée, Burebista arrive à passer le Danube gelé en hiver et s’allie à Pompéi contre César, vainqueur des Gaules. A sa mort en 44 avant JC César n’aura pas eu le temps de punir cet impétueux roi dace. Burebista mourra la même année lors d’une révolte interne.

Jamais le royaume ne sera aussi étendu que sous son règne. Burebista aura poussé les frontières de la Dacie jusqu’à l’actuelle Tchéquie et la Slovaquie. Il instaure le drapeau Dace, une tête de loup avec une queue de serpent qui sifflait quand il était porté lors des batailles. Après sa mort le royaume est scindé en quatre puis cinq petits états.

Ce n’est qu’avec l’arrivée au pouvoir de Decebalus au Ier siècle après JC que la Dacie est de nouveau unie et le royaume renforcé. Il s’attaque alors à l’empire Romain. Les Daces franchissent à nouveau le Danube et entrent en conflit avec l’empereur Domitien. En 89 bat les Daces aux Portes de Fer. Rappelé à Rome par des problèmes internes il ne peut atteindre leurs fameuses citadelles des Carpates.

Statue de Decebalus sur les bords du Danube
Près de Orsova - Roumanie

© Andy Loghin, http://www.panoramio.com/photo/2775854

Lors de la première guerre daco-romaine (101-102) l’armée de Trajan conquiert des citadelles daces mais pas les principales. Dans l’armistice Decebalus s’engage à détruire lui-même les citadelles et à devenir un sujet de Rome. Loin de respecter sa parole, il fortifie les citadelles et protège les déserteurs de l’armée romaine.

Trois ans après Trajan décide donc d’en finir avec les Daces et commence la deuxième guerre daco-romaine (105-106). Cette fois toutes les citadelles sont prises. Alors qu’il est poursuivi par les Romains, Décebalus se suicide. Il veut ainsi éviter le sort de Vercingétorix, exhibé à Rome comme trophée avant d’être exécuté.
La colonne Trajane (Rome)
L’histoire de cette conquête est racontée presque sous la forme d’une bande-dessinée sur la Colonne Trajane. Si l’originale est à Rome, on peut voir une copie intégrale au Musée national d’histoire de Roumanie à Bucarest.

Quelques irréductibles Daces se sont réfugiés à Rosia Montana, au centre de la Transylvanie. Là se trouve une immense mine d’or. L’or était considéré comme diabolique par les Daces. De nombreuses légendes racontent l’histoire de ceux qui ont quitté le village avec de l’or. Pervertis par la ville et l’argent ils sont devenus fous.
Aujourd’hui Rosia Montana est au centre d’une importante polémique nationale car il est question d’en extraire l’or avec du cyanure.
A l’époque de Trajan les Romains refont une santé à leur sesterce grâce à l’or de Dacie.

A partir de 106 les Romains occupent les deux tiers du royaume dace, des montagnes à la mer Noire. Les Daces acceptent ces Romains qui leur offrent une civilisation plus avancée, construisent des routes, des villes, des termes, des forums, etc. Ils construisent un pont sur le Danube, aux Portes de Fer, dont les pieds sont restés visibles jusqu’au XXè siècle. Les Romains installent leur armée et leur administration ainsi que des familles en quête de terres et leurs esclaves. Les colons viennent de Gaule, d’Espagne ou d’Afrique du Nord pour s’installer dans ce nouvel Eldorado.
A la suite de cette romanisation, il ne reste plus grand-chose de la langue dace, peut-être 160 mots dont branza (fromage).
La Dacie conquise prend le nom de Dacia Felix (l’heureuse Dacie) et se dote d’une capitale, Ulpia Traiana sur le site de Sarmizegetusa, la principale citadelle dace.

La romanisation de la Dacie se poursuit jusqu’en 271. L’empereur Aurel décide alors de retirer ses troupes et son administration au sud du Danube qui constitue une frontière naturelle plus facile à défendre.

Le départ des Romains plonge la région dans le sombre Moyen-Age. La population se ruralise, le niveau de vie se dégrade. Wisigoths, Gépides, Huns, Avars, Slaves, Bulgares, la Dacie devient une terre de passage vers Constantinople. Sans richesse elle n’incite pas les envahisseurs à la sédentarisation. Seuls quelques Slaves resteront et expliquent par exemple l’utilisation du da roumain (oui) ou encore l’utilisation du cyrillique jusqu’en 1850.

Les Carpates deviennent la colonne vertébrale de la région. Elles sont un refuge naturel contre l’envahisseur et ont permis de préserver la même langue à travers toute la Roumanie actuelle malgré des occupations d’origine très différentes (austro-hongroise, ottomane, polonaise).

Le drapeau tsigane
Les Roms quant à eux sont un peuple nomade venu d’Inde, qui sera réduit en esclavage jusqu’au milieu du XIXè siècle.

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