vendredi 11 novembre 2011

Préjugés

Partir entre copines avec Eglantine et son amie Yael. Prendre place dans le salon vert du rez-de-chaussée de la Résidence de l’Ambassadeur de France. Ambiance hivernale. La forêt est dans la maison. Les arbres d’un blanc de neige ont perdu leurs feuilles. Les hôtesses portent des robes en maille noire avec des tours de cou en maille sertis de broderies chamarrées. Simple et magnifique.

Attendre deux heures. Les filles ont été impeccables. Quelques personnes quittent la salle.

22h. "Préjugés", le défilé, commence. Dehors une neige de polystyrène nous plonge dans l’hiver des Carpates. Lena fait son entrée. Les visages crispés par l’attente se détendent instantanément. Les silhouettes semblent sortir d’un long rêve, le pas hésitant, perchées sur leurs talons infinis. Comme la naissance d’un nouvel être après une longue gestation. Petit à petit les femmes prennent de l’assurance. Le regard se fixe, l’allure s’accélère. Les vestes tombent, découvrant le travail fabuleux de ces artisans roumains qui clôtureront le défilé aux bras des mannequins.
Les couleurs se balancent au rythme du déhanchement des modèles. Les cascades de perles végétales du kilt en mousseline de Gabriela, la jupe cirque de Valeria, les reflets solaires d’Irina.

GABRIELA

Kilt noir chamarré de chutes végétales en perles brodées main.
Blouse Henri VIII en lainage bleu marine, rayures tennis, rehaussée dune constellation de perles caviar.
Escarpins ceinture berger en cuir rouge, talons infinis lingot d’or.

VALERIA

Gilet bucovinien bordé d’astrakan sombre, porté sur une blouse Henri VIII imprimée Magheru, jupe cirque améthyste brodée de chutes de perles dungi rouge et or.
Couvre-chef Sibiu en feutre rouge à cocarde et gants courts en cuir améthyste.
Bottes moucharabieh en cuir rouge.


Le public applaudit. Il découvre avec admiration le travail immense qui a été accompli, la richesse des idées de Philippe Guilet et de son équipe. Les appareils photo sont sortis pour immortaliser cette ambiance et cette œuvre. En emporter un petit morceau avec soi.

Entre temps Eglantine et Yael ont été aimantées par les billes de polystyrène qui entraient en flot continu grâce à un courant d’air sous la porte juste en face de nous. J'ai tout de même réussi à en sortir Eglantine pour qu’elle voit Bucarestina, la robe câble, à l’image des fils électriques qui couvre les poteaux de Bucarest. Elle a adoré. Moi aussi.

BUCARESTINA

Robe fourreau bustier en lamé cuivre recouvert d'un voile de mousseline sombre, emprisonnée d'une succession de câbles en mousseline sombre, réchauffée de jambières en organza craquant noir lacées dos.
Gants bouts de doigts et bras longs en pongé noir.
Petit pas pour escarpin en vernis noir, talons infinis bani.
Capeline d'hiver en mousseline noir et câble.

Cependant pour deux petites filles de six ans, Irina reste le clou du spectacle, projetant de ses innombrables perles brodées une lumière solaire qui fera briller leurs yeux écarquillés.

Dans ce vent de folie qui a pris possession de l’Ambassade de France, la mariée passe comme une bourrasque de vent enneigé au bras de Philippe. Le défilé est fini. Le public ne se lève pas de suite. Comme si cette magie ne pouvait prendre fin.


Mais déjà les serveurs se pressent avec leurs plateaux de boissons et de toasts au foie gras. Les télés font des interviews. Les impressions s’échangent et chacun serre contre soi le petit sac dans lequel se trouvent le dossier de presse et un superbe crayon à papier en bois sculpté. Conçu comme un napperon traditionnel plié en quatre, garni de superbes photos, personne ne l’oubliera. Il est à lui seul un objet magnifique que chacun veut garder.

Après quelques verres et de délicieux petits-fours fournis par Ici et Là, nous montons voir l’atelier. Les filles jouent avec les restes de tulle et les rubans de cuir. La bataille est finie mais pas l’aventure. Elle se poursuivra à Paris en février. Parce que la Roumanie est autre chose qu'un pays de délinquants, "Préjugés" va vous ébouriffer.

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