lundi 28 mai 2012

En galeries sous la pluie


La journée de vendredi avait été chaleureuse. La pluie semblait enfin nous laisser en paix. C'est en couleurs et sourire que je suis partie rejoindre Karianne place de la Presse Libre (Piata Preseii Libere). Sur l'énome socle de l'ancienne statue de Lénine, allongée pendant un temps dans les hautes herbes du parc de Mogosoaia, l'artiste Judit Balko a installé sa propre statue de Lénine. Enfin ce qu'il en resterait si elle avait été un gros morceau de cire coupé à la lame chaude, coulant sur le sol, et laissant apparaître ce bâtiment de la Presse Libre, architecture du communisme triomphant, dont les enseignes capitalistes  animent maintenant la façade.


François a gentiment immortalisé le moment où j'immortalise le moment. Celui où nous sommes gaies et colorées et où le soleil nous taquine encore vaguement.

Plus que la nuit des Galeries, la soirée de vendredi a tourné ensuite à la nuit des galères lorsque le ciel nous est littéralement tombé sur la tête.
http://noapteagaleriilor.ro/2012/en/Bucuresti/

Le temps que nous fassions le tour des œuvres de Bogdan Rata et Mihai Zgondoiu à la Galerie 030202, une violent orage avait éclaté. Quand le taxi d'Olivier est arrivé, j'ai couru lui prendre son parapluie pour abriter les enfants de Karianne. J'essayais d'éviter les flaques d'eau et je n'ai pas bien vu la grille d'entrée. Blouson en cuir déchiré. Pour rejoindre le taxi, j'ai plongé mes pieds dans un torrent d'eau tourbillonnante. Retour à la galerie, le parapluie dans un main, les chaussures dans l'autre. A ce point là, il valait mieux marcher pieds nus.




C'est donc dégoulinante, mais tout autant colorée que j'ai rejoint l'exposition de ATELIER ÎN TRANZIȚIE #5 à la galerie GALATECA. Karianne a gentiment bourré mes chaussures de papier pour en retirer un maximum d'eau. Et c'est pieds nus que j'ai admiré ou essayé de comprendre les livres d'artistes exposé dans cette bibliothèque. Personnellement je me suis sentie proche de l’œuvre de Constantin Cioc, un livre boîte noire, intitulé Livre de Poésie, avec à l’intérieur un grillage à poule bleu où étaient enfermées deux plumes oranges. Parce que les livres contiennent les couleurs de la vie et de la mémoire, mais qu'on ne peut pas les emprisonner puisqu'ils s'échappent dans notre imagination.
http://www.modernism.ro/2012/05/27/atelier-in-tranzitie-5-la-galeria-galateca-din-bucuresti-noaptea-alba-a-galeriilor-vezi-galerie-foto/


J'ai remis mes chaussures dont le cuir avait un peu séché et nous sommes partis en direction de l'H'art Gallery. Derrière une lourde porte en fer forgé, un hall décrépi ornementé de vieilles boîtes aux lettres en métal gris. L'ascenseur était pris et nous avons monté les cinq étages à pieds. La galerie occupe un grand appartement au plancher de bois clair. Sur les murs blancs, au premier coup d’œil on aperçoit de belles couleurs joyeuses. Mais en y regardant de plus près, les dessins sont macabres, virant au cannibalisme et à la folie. Leon Mişosniky n'a jamais exposé de son vivant. Voici donc sa première exposition personnelle. Elle interroge. Toute la gaité de ces couleurs contraste tellement avec la violence des sujets !


Karianne nous avait encore réservé bien des visites. Mais Olivier commençait à s'ennuyer et moi à avoir froid. Nous avons pris un taxi pour rentrer se réchauffer.

Si cette nuit des galeries a viré à la galère sous la pluie battante, j'ai enfin trouvé le temps de m'approcher de l'art contemporain roumain. Charmant ou violent, il interroge et s'interroge, nous attrape sans nous flatter, chargé de désirs bouillonnants et de codes mélangés.

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