Hier matin je me suis assise pour boire un thé au Koza Han, le bazar de la soie. Dans la cour de ce vieux caravansérail je suis restée un moment seule à regarder la vie calme d’une fin de matinée humide en plein Ramadan. Le serveur a mis longtemps à me voir. J’ai finalement pris le parti d’en profiter pour observer les gens. En face de moi trois jeunes filles boivent du café turc en fumant et discutant comme si l’avenir du monde dépendait de leur conversation de ce jour. Lorsque le vendeur de billets de loterie passe, elles prennent des coupons qu’elles grattent frénétiquement, les échangeant avec de nouveaux tant que le montant des gains le permet, puis finalement rien. Le vendeur impassible, un homme sec à la barbe blanche de trois jours et un léger sourire aux coins des lèvres, propose ses billets, déchire les anciens, sans fracas, sans tracas avec fatalité.
Peu après une vieille femme aux vêtements noirs animés de fleurs colorées, les rides creusant son visage, le poids des ans sur les épaules, passe vendre des roses à l’unité au milieu des tables. Puis c’est un vendeur de lunettes qui précède le simitci portant son plateau chargé des incontournables couronnes au sésame sur l’épaule. Là-bas, de l’autre côté de la fontaine, le menton appuyé dans sa main, le cireur de chaussures se balance sur son petit tabouret. Bientôt arrivera l’heure de la prière et au son du muezzin les hommes monteront les marches de la salle de prière, petit édifice en pierre surmontant la fontaine en marbre centrale nécessaire aux abblutions.
Mais j’arrive à la fin de mon thé et du morceau de papier que j’ai sorti tout froissé du fond de mon sac pour y coucher ces quelques mots avant qu’ils ne s’envolent, ou ne s’évaporent dans la douce tranquilité du Han. Il est temps que je rentre.
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