lundi 25 octobre 2010

Quand Hatice anime notre vie

Il y a 10 jours le fils d’Hatice s’est enfui dans le nord de la Turquie avec une jeune fille. Dans ce cas là, les fuyards doivent se marier immédiatement pour ne pas déshonorer la famille de la jeune fille. En général les garçons qui enlèvent ainsi une fille le font car elle est mineure ou parce que la famille de celle-ci s’oppose au mariage.

Le fils d’Hatice ne rentre dans aucune de ces catégories. Il a 23 ans et la jeune fille 22. Ils n’ont parlé à personne de leur désir de se marier. Hatice n’avait jamais entendu parler de la jeune fille et son fils n’avait pas demandé la main de la jeune fille à son père. Du coup personne n’a compris pourquoi ils se sont enfuis ensemble. Par contre la famille du marié, en l’occurrence Hatice, a du organiser (et payer) le mariage au plus tôt. Le père et la mère de la mariée, furieux de la situation (non pas contre le mariage mais parce qu’ils ont été pris au dépourvu, non consultés, mis au pied du mur), ne sont pas venus et auraient plutôt envie d’étrangler leur nouveau gendre. Hatice est allée à la banque vendre son or et faire un emprunt. En Turquie, les jeunes mariées reçoivent de l’or (pièces, colliers, bracelets) le jour de leur mariage. Elles le gardent précieusement et le vendent en fonction des besoins au cours des années. Hatice a donc vendu son or pour payer la chambre des mariés, le coiffeur pour dix personnes, la salle et toutes autres dépenses qui lui incombent. La chambre des mariés ? Et oui car Virginie m’a expliqué que les jeunes mariés doivent être installés et équipés avant leur mariage. Le jour du mariage la famille et les amis viennent visiter l’appartement des mariés, regardent tout ce qu’ils ont, etc. Hatice vient donc de passer dix jours à courir partout, à tout préparer, et à tout payer.

Elle a pu compter sur nous pour un soutien financier et quelques jours de congés pour préparer le mariage. Et Virginie et moi sommes passées au mariage hier soir, après la fête d’Halloween. J’avais changé ma tenue de sorcière sexy pour quelque chose de plus passe-partout. Car le mariage avait lieu à Emek, le village juste derrière Korupark, ambiance populaire de la Turquie où l’on nous avait déconseillé d’arriver habillées très chic. Jean, tunique longue, gilet ample et petites chaussures rondes avec un petit talon, casuel chic, c’était parfait.

Nous voilà donc partis avec Virginie et Aksel. Hatice avait expliqué à Virginie que comme elle a été prise au dépourvu elle avait juste loué la salle mais qu’il n’y avait pas de dîner, pas de gâteau et pas de musique. Nous avions donc prévu d’y passer, donner encore un petit billet, féliciter les mariés et repartir déposer Virginie et Aksel chez eux.

Encore nous fallait-il trouver la salle. Nous savions que ça n’était pas loin de chez Hatice. Arrivés près de chez elle, nous l’avons appelée et son mari a bien tenté de nous expliquer le chemin. En vain. Il a donc décidé de venir nous chercher. Après l’avoir attendu un moment, nous avons vu beaucoup d’animation devant chez Hatice. La voiture des mariés était arrivée, décorée, musique et klaxon à fond. Nous cherchions le mari d’Hatice. La voiture des mariés est partie, laissant derrière elle une volée de billets que les gamins du quartier se sont âprement disputés (nous les avions vus arriver en courant après la voiture des mariés, attendant la manne d’argent providentielle qu’est un mariage). Dans un concert de pots d’échappements et de klaxons, plusieurs voitures sont parties à leur suite, formant le cortège.
Avant qu’il n’y ait plus personne j’ai essayé de demander à une femme sortant de l’appartement d’Hatice si elle était de sa famille, espérant obtenir ainsi des informations sur le lieu du mariage. Elle m’a vigoureusement écartée sans même me répondre, pressée de monter dans une voiture déjà pleine de gens, et de suivre le cortège.
Un peu désemparés, nous nous sommes vite ressaisis et avons sauté dans la Velsatis pour suivre cette dernière voiture. Fort heureusement elle avait ses feux de détresse allumés et était facilement reconnaissable, malgré la distance.

Notre retard s’est accru quand elle a tourné à droite. Je l’ai suivi. Mais me suis arrêtée immédiatement en réalisant que le reste du cortège avait continué tout droit. Finalement nous avons décidé de suivre la voiture qui avait tourné, en se disant qu’au bout d’un moment elle arriverait bien au mariage. Là, tels Starsky et Hutch, nous avons filé la voiture, guettant ses feux, les voyant disparaître au gré des changements de direction, Aksel enchanté à l’arrière par cette course poursuite digne d’un film d’action. Jusqu’au moment où ayant viré un peu tard dans une rue où nous avions bien l’impression qu’elle avait tourné, nous ne l’avons plus vue. Zut. Quand même, en roulant au pas, nous la cherchions du regard. Quand enfin nous avons vu plein de monde et reconnu le nom de la salle marqué sur l’invitation. Nous avions trouvé. Un rapide coup d’œil derrière moi, une voiture dans le rétro, je mets mon clignotant et tourne à gauche pour me garer. C’est le moment qu’avait choisi la voiture dans mon rétro pour me doubler (sans clignotant elle), et nous avons failli nous rentrer dedans. Je suis allée me garer et la voiture en question est venue s’arrêter à quelques centimètres de la fenêtre de Virginie. Nous nous attendions à voir sortir un mec hurlant et agressif. Pas loin. Sauf qu’il s’agissait d’un flic. Aïe. J’avais fait une queue de poisson à un flic. Il nous a engueulées. Personnellement je n’ai rien compris. Je lui ai gentiment dit deux fois en turc que j’étais désolée. Puis comme il continuait et que je me demandais si j’allais avoir des problèmes ou pas, j’ai demandé à Virginie, en français cette fois, ce qu’il disait. Sans inspiration, elle le regardait silencieusement. Apparemment il rentrait chez lui (il n’avait pas une voiture de police), était crevé, et a dû se dire que ça ne valait pas la peine de continuer à parler à ces deux nénettes qui ne parlaient pas turc (Virginie n’ayant toujours pas dit un mot).

Pas décontenancées pour autant, nous étions bien contentes d’être arrivées et de très bonne humeur. Contrairement à Aksel qui commençait à regretter de ne pas avoir voulu quitter son costume de pirate.
La salle se trouvait en sous-sol. C’est une salle réservée aux mariages. Il y a une pièce pour la mariée (c’est écrit dessus), des tables sur les côtés avec des chaises en plastique, une autre table au centre avec deux chaises recouvertes de rouge (là où les mariés signeront les papiers du mariage) et au fond une estrade avec un DJ. Ce fût notre découverte, il y aurait finalement de la musique traditionnelle du nord de la Turquie (région d’origine d’Hatice). Du coup nous serions bien restées un peu profiter de l’ambiance, s’immerger dans la culture populaire et traditionnelle turque. Mais Aksel se sentait mal à l’aise dans son costume de pirate. Alors après féliciter plusieurs fois Hatice, sa famille, son fils et la mariée, nous sommes repartis.

Hatice aurait bien aimé pouvoir montrer Hortense à sa famille lors de ce mariage. Mais Hortense, le soir, elle dort. Alors aujourd’hui je lui ai proposé de la ramener chez Elle après l’école, avec Eglantine, Hortense et Aksel. Ainsi elle pourrait nous présenter à sa famille. Eglantine et Aksel n’étaient pas enchantés car ils voulaient s’amuser, mais nous sommes quand même allés boire le thé chez Hatice. Ambiance de femmes, Hatice était là avec sa fille, la fille de son mari, sa belle-sœur et… la nouvelle mariée. Celle-ci ne s’est pas assise avec nous mais a fait le service. Avant de repartir j’ai dû visiter la chambre des mariés ornée de draps et de coussins avec de la dentelle faite par la fille d’Hatice. Tout beau, tout neuf, tout prêt à être montré. Et j’ai promis de repasser après avoir emmener les enfants se défouler à Korupark pour… chercher des poissons que le mari avait pêché aujourd’hui pour nous.

Ha les poissons ! Quand nous sommes repassés, toute la famille nous attendait dehors (nous avions téléphoné pour dire que nous arrivions). Les poissons était donc une bouteille d’eau de 5 litres, encore vivants. Les enfants étaient enchantés ! Moi moins. Arrivés à la maison, et suivant les conseil d’Hatice, nous les avons transvasés dans un autre récipent (en l’occurrence un saladier), mais c’était un peu petit alors je les ai carrément mis dans l’évier. J’ai rajouté plein d’eau, quelques morceaux de pain. Les queues s’agitaient, mettant de l’eau partout. Eglantine, ravie, s’est amusée à attraper les poissons. Aksel a bien ri, nous aussi d’ailleurs.
Quand Hatice anime notre vie, elle y met beaucoup de bonne humeur !

Demain, je lui demanderai de cuisiner les poissons. En attendant j’ai mis la grille du four sur l’évier en espérant que Siyah ne s’amuse pas trop avec cette nuit.

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