jeudi 11 octobre 2012

Anna de Noailles

Voici un article écrit pour le journal de l'afb de ce mois. Comme il a été distribué ce matin, je peux enfin publier l'article aussi sur le blog.

Peut-être avez-vous déjà croisé un jour, au détour d’un parc de Bucarest, un homme ou une femme enlaçant un arbre, éventuellement les mains simplement posées sur son tronc ? Cette sorte de communication panthéiste avec la nature se retrouve dans toute l’œuvre d’Anna de Noailles. Poétesse reconnue et admirée à l’aube de la modernité du XXe siècle, elle était la fille du prince roumain Grégoire Bassaraba de Brancovan. Née à Paris en 1876, elle brilla dans les cercles intellectuels de la ville des Lumières jusqu’à sa mort en 1933. Si son œuvre tomba ensuite partiellement dans l’oubli, elle n’en demeure pas moins d’une grande qualité. L’air, la lumière, les plantes et les sentiments sont les protagonistes principaux de ses poèmes, l’amour inonde ses écrits. Entre une écriture au classicisme romantique du XIXe siècle et une liberté très personnelle dans sa façon de traiter des sentiments des femmes qui augure les changements du XXe, les œuvres de la Comtesse Mathieu de Noailles n’ont pas perdu leur intérêt.
Le lycée français de Bucarest a d’ailleurs choisi d’honorer sa mémoire en prenant son nom. Une façon peut-être de pousser les élèves à découvrir sous son patronage le monde littéraire et artistique passionnant du Paris 19OO, époque où Bucarest elle-même se transforme en un Petit Paris. Les lycéens français de Bucarest se rendent-ils compte qu’ils vivent leur scolarité sous le nom bienveillant de celle qui recevait le tout Paris intellectuel dans son salon de l’avenue Hoche, qui avait l’amitié de Proust, Colette, Cocteau et l’admiration de Sacha Guitry ? Prennent-ils le temps de lire le poème  en exergue dans le hall du site Christian Tell ? A côté d’une photo en noir et blanc qui rend peu hommage à la beauté de cette femme d’esprit, ces quelques vers font revivre à tous ceux qui ont vécu dans la capitale roumaine la douce beauté du printemps dans un parc de la ville.

IL FERA LONGTEMPS CLAIR CE SOIR

Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent,
La rumeur du jour vif se disperse et s'enfuit,
Et les arbres, surpris de ne pas voir la nuit,
Demeurent éveillés dans le soir blanc, et songent...

Les marronniers, dans l'air plein d'or et de splendeur,
Répandent leurs parfums et semblent les étendre;
On n'ose pas marcher ni remuer l'air tendre
De peur de déranger le sommeil des odeurs.


De lointains roulements arrivent de la ville...
La poussière, qu'un peu de brise soulevait,
Quittant l'arbre mouvant et las qu'elle revêt,
Redescend doucement sur les chemins tranquilles.

Nous avons tous les jours l'habitude de voir
Cette route si simple et si souvent suivie,
Et pourtant quelque chose est changé dans la vie,
Nous n'aurons plus jamais notre âme de ce soir.

 Vous serez peut-être le prochain à lire ses œuvres, accessibles gratuitement sur la bibliothèque numérique de la BNF, Gallica (http://gallica.bnf.fr), assis dans un parc verdoyant de Bucarest. Vous regardez alors différemment la nature qui vous entoure, trouvant de la beauté à la plus petite feuille d'automne, au moindre rayon de soleil tombant sur un banc ou au bruit d’un klaxon résonnant au loin. Alors Anna de Noailles, aussi bavarde et prétentieuse qu’aient pu la trouver ses détracteurs, aura au moins réussi à vous transmettre un peu de sa poésie, à l’image de sa vie, entre culture française et roumaine.

Le site du lycée français de Bucarest : www.lyfrabuc.ro .

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