lundi 25 juillet 2011

Kina gecesi


Nous descendons dans le centre de Sındırgı alors que la nuit est déjà tombée. Nous entendons de très loin la musique qui annonce le mariage bien avant que nous ne discernions les drapeaux turcs tendus sur l'immeuble de la famille. Nous arrivons au carrefour de deux ruelles. Sur les quatre côtés des chaises et des bancs de fortune ont été installés. Comme au spectacle nous nous asseyons parmi les amis et les voisins venus assister à la Kina Gecesi, la nuit du henné. Normalement seules les femmes y participent pour dire au revoir à celle qui les quitte pour rejoindre son mari. Le mariage proprement dit aura lieu demain avec le bal et la fête.

La mariée porte une robe rouge à froufrous. Ses belles épaules sont dénudées et la chainette de son collier descend dans le haut de son dos menu. Elle danse avec ses amies, ses sœurs, ses cousines. Les robes ne sont pas extravagantes et oscillent des tenues courtes aux voiles ne laissant apparaître que l'ovale de gracieux visages. Les fesses des jeunes filles se trémoussent au rythme de la musique diffusée par la sono. Même celles qui sont voilées ont mis des tenues moulantes, aux ceintures soulignant la forme des hanches. Et je me dis que le voile n'empêche pas les hommes de se rincer les yeux, comme un pied de nez de ces jeunes filles à l'ordre établi.

Soudain d'une rue voisine résonne le son des tambours et des trompettes. Le marié arrive avec ses amis, frères et cousins. Les femmes cèdent la place à cette troupe bruyante et festive. Les jeunes hommes dansent à leur tour. Ils rivalisent d’agilité dans les mouvements de leurs pieds et de leurs bras, se mesurent entre eux, mettent surtout en avant le marié, dégoulinant dans son costume dont il laissera bientôt tomber la veste. Autour de lui les musiciens le portent de leurs notes enjouées. Le tambour fait vibrer les cœurs et donne du courage pour danser encore.

Puis les hommes s'accroupissent en cercle autour du marié, laissant la place au retour de la mariée. Le couple danse, complice sous les regards de leurs proches. Et de tout le quartier qui observe chaque miette du spectacle. Déjà j'entends les murmures des commentaires. J'imagine le soir même la rumeur qui prendra son envol sur la ville, critiquant, enviant et commentant chaque détail de cette nuit.

Puis les hommes et les femmes dansent ensemble, un long moment, avant que la mariée ne s'éclipse pour changer de tenue. Elle revient un peu plus tard au son des tambours et des trompettes. Elle porte un long caftan rouge et or sur un pantalon doré portant aux pieds comme de petits chaussons rouges brillants. Sa tête est recouverte d'un voile rouge. Elle est assise sur une chaise au milieu de la piste. Les femmes l'entourent, se bousculent auprès d'elle.  Certaines ont des bougies dans les mains. Une autre porte le plateau d'argent sur lequel est posé le henné. Ils sera mis au creux des mains de la mariée, signe de son sacrifice à son mari. Mais plus tard, chez elle. Seher est déçue. Elle me dit que les coutumes changent. Déjà la danse traditionnelle de Sındırgı pour les mariages n'a pas été jouée. Pourtant elle me conte combien cette danse est belle et originale. Elle perçoit un conformisme nouveau dans les danses qui s'affichent sous nos yeux.

Puis le marié la rejoint, soulève le voile et embrasse sa future femme qui se lève pour reprendre la danse. Entre temps la famille a distribué de beaux foulards en lin et des paquets de graines que les femmes assises sous leurs foulards de paysannes dévorent goulument, laissant tomber les cosses comme des flocons de neige à leurs pieds.

Les enfants son fatigués. La fête va encore durer quelques heures mais nous retrouvons la fraîcheur de notre hôtel dans la montagne. Demain nous rentrerons à Bursa, toutes les trois épuisées mais enchantées de cette parenthèse au pays de Seher.

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