dimanche 24 juillet 2011

Sur le pas des portes

Seher m'a montré la petite maison de sa maman. Elle ne paye pas de mine et tombe en ruine mais est attachante avec sa façade colorée et l'histoire de mon amie. Dans la rue nous rencontrons les voisines, les cousines et les tantes. Paysannes généreuses aux pantalons larges et fleuris, les foulards sur la tête, plus pour se protéger du soleil que du regard des hommes, elles sont heureuses de revoir Seher, faire la connaissance de son petit-fils qu'elles embrassent avidement, comme pour être certaines de laisser leur empreinte, ou prendre un peu de cette jeunesse qu'elle n'ont plus, ou peut-être juste pour donner dans ces quelques baisers rapides l'image de toute la tendresse dont elles sont capables.

Derrière les murs d'enceinte, les lopins de terre qui nous séparent des maisons prodiguent fruits et légumes de saison. L'une des voisines, regard bleu perçant et sourire sincère, nous montre ses trésors. Elle nous offre des prunes vertes que les enfants dévorent avec gourmandise, de la menthe, du basilic et des petits piments verts. A l'entrée du jardin une grosse marmite est posée sur un feu à même le sol. Je n'y vois que de grosses pierres. Elles retiennent au fond de l'eau bouillante les bocaux de compote de prune qui doivent être stérilisés.. Ils seront ouverts cet hiver quand le soleil sera aussi rare que les fruits.



Puis nous rendons visite à une vieille tante qui nous fait dcouvrir ses vieux Yagcibedir quand elle apprend que je suis venu pour en acheter. Ils sont doux, les couleurs ont éclairci. Ils sont magnifiques, avec des motifs plus petits et plus nombreux que ceux que j'ai pu voir. Ils ont la couleur du temps et la douceur des bonnes choses. Le tapis que j'ai ramené a encore la fougue de la jeunesse. J'espère repenser à tous ces moments quand je le regarderai dans quarante ans, quand lui aussi aura vécu et que je le montrerai à ceux qui voudront le découvrir.

Et partout sur le pas des portes, des tabourets montent la garde. Parfois juste une caisse à légume recouverte d'un bout de couverture. Normalement à la fraîche chacun s'y installe, la rue s'anime et discute. Mais ce soir les tabourets sont seuls. Et dans la rue derrière la maison de Seher, les maisons en ruine ne voient plus parler personne que les chats qui s'abritent encore dans leurs murs.
Ces vieilles masures basses, aux portes de bois et aux murs colorés disparaissent petit à petit au profit des bâtiments modernes plus salubres mais sans âme. Déjà les anciennes maisons grecques et ottomanes, seules traces d'une double culture disparue depuis le départ des Grecs, se comptent sur les doigts de la main.

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